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Propriétés quantiques des diamants NV

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Propriétés optiques du centre NV

Les premières observations de centres NV datent d’une cinquantaine d’années [1] et son isolation à l’échelle individuelle ne s’est faite qu’à la fin des années 90. Il a tout d’abord été utilisé comme source de photons uniques [3,4], puis il s’est avéré que ce défaut possédait aussi des propriétés de spin, qui permettent notamment de l’utiliser comme bit quantique ou comme capteur de champ magnétique.

Sous l’excitation optique d’un laser vert, le centre NV émet une photoluminescence stable, dans le rouge, et ce à température ambiante [2]. On peut observer sur le spectre d’émission de photoluminescence représenté sur la figure ci-contre, la raie zéro-phonon à 637 nm, qui correspond à la transition optique. Le couplage aux phonons du réseau cristallin induit une bande satellite large, jusqu’à 800 nm.

Pour la suite, nous nous intéresserons à des ensembles de centres NV, d’une densité typique de quelques dizaines de parties par milliard (ppb), hébergés dans des diamants massifs.

Figure 1: Spectre d’émission de photoluminescence typiques des centres NV.

Détection optique de la résonance magnétique

Le centre NV possède un spin S = 1 dans son niveau fondamental, sa structure fine est donc composée des états |ms = 0> et |ms =± 1> [Fig. 2]. Ici, ms est la projection du spin suivant l’axe de quantification du centre NV, formé par l’atome d’azote et la lacune, suivant l’une des orientations cristallines [111] du diamant [Fig. 3]. L’état |ms = 0> est séparé des états dégénérés |ms =± 1> par D = 2,87 GHz.

La photophysique du centre NV est gouvernée par des mécanismes de polarisation du spin et de photoluminescence dépendante de l’état de spin [5]. Tout d’abord, sous une excitation laser continue, le centre NV va se polariser peu à peu dans l’état de spin |ms = 0>, grâce à un mécanisme de pompage optique. De plus, l’état |ms = 0> émet plus de photoluminescence que les états |ms =± 1>, le niveau de photoluminescence du centre NV est indicatif de son état de spin.

Ces deux propriétés sont au cœur de la détection optique de la résonance magnétique du centre NV. Il peut être, de manière tout-optique, initialisé dans son état de spin |ms = 0> et la lecture de son état de spin est faite en mesurant le signal de photoluminescence. En appliquant une excitation radio-fréquence résonante avec la transition          |ms = 0> |ms =± 1>, un transfert de population entre ces deux états de spin va mener à une chute du signal de photoluminescence, comme observé sur la figure 4.

En présence d’un champ magnétique ayant une composante qui suit l’axe de quantification du centre NV, la dégénérescence des états |ms =± 1> est levée, par effet Zeeman. La séparation entre les états |ms = +1> et |ms = -1> est proportionnelle à la composante de champ B//, ce qui fait du centre NV un magnétomètre à l’échelle atomique.

Sur la figure 5, on observe 8 raies dans le spectre de résonance magnétique, qui correspondent aux quatre transitions |ms = 0> |ms =± 1>  suivant les quatre orientations cristallines [111] du diamant.

En observant plus attentivement l’une de ces raies du spectre de résonance magnétique, la structure hyperfine du centre NV peut être mise en évidence. Cette structure résulte de l’interaction entre le spin électronique du défaut et le spin nucléaire de l’atome d’azote. L’azote 14N a une abondance naturelle de 99,6% et a un spin nucléaire I = 1, ce qui conduit à trois raies hyperfines [Fig. 6].

Figure 2: Structure fine du niveau fondamental du centre NV.

Figure 3: Schématisation de la structure cristalline du centre NV, composé d’une lacune et d’un atome d’azote.

Figure 4: Spectre de résonance magnétique en champ nul. La ligne pleine est un ajustement des données par une fonction gaussienne.

Figure 5: Spectre de résonance magnétique sous l’application d’un champ de biais de quelques mT.

Figure 6: Structure hyperfine typique du centre NV.

Temps de relaxation longitudinal T1

Le temps de relaxation longitudinal, ou T1, correspond au temps que le système met à retourner vers un état d’équilibre thermodynamique une fois qu’il ait été polarisé dans son état de spin |ms = 0>.

La séquence de mesure standard du T1 est schématisée sur la figure 7. Elle se compose d’une première impulsion laser d’initialisation, afin de polariser le système dans l’état de spin |ms = 0>, puis d’un temps d’évolution libre, dans le noir, de durée variable τ. La dernière étape est une impulsion laser de lecture, qui permet d’extraire l’état de spin du centre NV via le signal de photoluminescence.

On peut observer sur la figure 8 l’évolution du signal de photoluminescence en fonction de la durée d’évolution libre τ, dans le noir. Pour des durées τ courtes, le système n’a pas le temps de revenir à son état d’équilibre thermodynamique. Il reste polarisé dans son état de spin |ms = 0>, ce qui se traduit par un signal de photoluminescence élevé. La relaxation progressive du système vers son état d’équilibre thermodynamique se traduit par la chute de photoluminescence pour des durées τ plus longues.

L’ajustement des données par une fonction exponentielle décroissante permet d’en extraire le temps de relaxation longitudinal T1, de 5,4 ± 0,5 ms, typique d’un ensemble de centres NV dans un diamant massif [6]. Le temps T1 est limité par les interactions entre le centre NV et les phonons du réseau cristallin [6].

Figure 7 : Séquence standard de mesure du temps de relaxation T1, composé de deux impulsions laser.

Figure 8: Mesure du temps T1 sur un ensemble de centres NV hébergés dans un diamant massif. la ligne pleine est un ajustement des données par une fonction exponentielle décroissante.

Contrôle cohérent de l’état de spin: oscillations de Rabi

Pour la suite, un champ magnétique de biais de quelques mT sera appliqué suivant l’axe de quantification du centre NV, afin de lever la dégénérescence entre les états |ms =± 1>. Nous ne considèrerons qu’un système à deux niveaux, composé des états |ms = 0> et |ms = +1>.

Le contrôle cohérent de l’état de spin d’un centre NV peut être réalisé en effectuant des oscillations de Rabi entre les états |ms = 0> et |ms =+ 1> [7].  La séquence utilisée est schématisée sur la figure 9.

Elle est composée d’une première impulsion laser d’initialisation, qui polarise le centre NV dans son état de spin |ms = 0>. S’ensuit une impulsion radio-fréquence de durée τ variable, résonante avec la transition |ms = 0>  |ms = +1>  : c’est l’étape de manipulation.

L’état de spin après cette étape est une superposition d’état α|ms = 0> + β|ms = +1>. L’état de spin du système est ensuite extrait par une dernière impulsion laser de lecture.  La représentation dans La sphère de Bloch de chaque étape est représentée sur la figure 10.

Un signal d’oscillations de Rabi typique est représenté sur la figure 11.
Pour des durées d’impulsion radio-fréquence très courtes, les populations n’ont pas le temps de basculer de l’état |ms = 0> vers l’état |ms = +1>, le signal de photoluminescence reste maximum. Pour une durée d’impulsion radio-fréquence Tπ, un maximum de population de l’état |ms = 0> a basculé vers l’état |ms = +1>, le signal de photoluminescence est donc minimum.

Les oscillations cohérentes entre ces deux états sont représentées par les oscillations du signal de photoluminescence.
Ces oscillations de Rabi permettent de définir les temps Tπ et Tπ/2, qui sont au cœur des séquences de dynamique de spin.

Figure 9: Séquence typique de mesure d’oscillations de Rabi.

Figure 10: Représentation de la sphère de Bloch de l’état de spin du système (flèche rouge) à chaque étape.

Figure 11: Oscillations de Rabi typique mesurée sur un ensemble de centres NV hébergé dans un diamant massif. la ligne pleine est un ajustement par une fonction sinusoïdale avec une enveloppe exponentielle décroissante.

Temps de cohérence transverse T2*

La décohérence correspond à la perte de l’information quantique d’un système initialement placé dans un état de superposition quantique,

Cette décohérence est caractérisée par le temps de cohérence transverse T2*.

Ce temps de décohérence T2* peut être mesuré par la méthode des franges de Ramsey. La séquence est représentée sur la figure 13. L’étape de manipulation est composée d’une première impulsion radio-fréquence de durée Tπ/2, afin de placer le système dans un état de superposition, comme décrit par l’équation ci-dessus.

Le système évolue ensuite librement pendant un temps τ et va effectuer une précession libre. Les cohérences vont accumuler une phase, qui dépend de l’environnement du centre NV et notamment des fluctuations magnétiques du bain de spins. Enfin, une seconde impulsion radio-fréquence de durée Tπ/2, suivie de l’impulsion laser de lecture permet de lire l’état de spin du système.
Cette étape de manipulation de l’état de spin est représentée sur la sphère du Bloch sur la figure 14.

Une mesure de franges de Ramsey typique est tracée sur la figure 15.
La décroissance des oscillations correspond au temps de cohérence transverse T2*, qui peut être extrait en ajustant ces données [8, 9], pour obtenir un temps T2* de 456 ± 45 ns.
La décohérence du centre NV est gouvernée par les interactions avec le bain de spin, composé :

  • De spins nucléaires, avec notamment les atomes de 13C [8], d’abondance naturelle de 1,1% et de spin nucléaire I = 1.
  • De spins électroniques, tels que les impuretés d’azote [9].
  • De spins électroniques en surface du diamant [10]

Ce temps de cohérence peut être prolongé par des séquences dites de découplage dynamique, permettant d’isoler le système du bruit magnétique engendré par le bain de spins environnants.

Figure 13: Séquence de mesure de franges de Ramsey.

Figure 14: Représentation sur la sphère de Bloch de l’état de spin lors de l’étape de manipulation.

Figure 15: Mesure de franges de Ramsey sur un ensemble de centres NV, le temps de cohérence T2* est extrait par un ajustement décrit dans la référence [8].

Découplage dynamique : temps de cohérence T2echo

La séquence de découplage dynamique la plus simple à mettre en place est la séquence d’écho de Hahn [11]. Comme schématisé sur la figure 16, la phase de manipulation est similaire à celle présentée précédemment pour la mesure du temps T2*, si ce n’est qu’une impulsion radio-fréquence de durée Tπ est appliquée au milieu du temps de précession libre.
Le déphasage accumulé pendant le temps τ/2 est ainsi compensée par la phase accumulée lors du deuxième temps de précession libre τ/2, comme schématisé sur la sphère de Bloch représentée sur la figure 17.
Cette méthode permet de s’affranchir des fluctuations lentes du bain de spin, ce qui permet de prolonger le temps de cohérence.

Une mesure de temps T2echo typique est tracée sur la figure 18. L’ajustement des données par une fonction exponentielle décroissante à la puissance n [10] permet d’en extraire un temps de vie T2echo de 3.8 ± 0.2 µs.

Figure 16: Séquence d’écho de Hahn.

Figure 17: Représentation sur la sphère de Bloch de l’état de spin lors de l’étape de manipulation.

Figure 18: Mesure du temps de cohérence T2echo. Les données son ajustées par une fonction exponentielle à la puissance 2.

Références

[1] Davies, Proceedings, 1976

[2] Gruber et al., Science, 1997

[3] kurtsiefer, PRL, 2000

[4] Brouri, Optics Letters, 2000

[5] Tetienne, New journal of Physics, 2012

[6] Jarmola, PRL 108, 2012

[7] Jelezko, PRL 92, 2004

[8] Maze, New Journal of Physics, 2012

[9] Bauch, Physical Review B, 2020

[10] Rondin, Physical Review B, 2010

[11] Hahn, Physical Review, 1950

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